Violences conjugales, sexuelles et sexistes : une proposition de loi prévoit de créer une négociation obligatoire en entreprise

Rédigé le 25/11/2025
abariet

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C'est une démarche inédite. La députée socialiste Céline Thiébault-Martinez a présenté le 24 novembre une proposition de « loi intégrale de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants ». Soutenu par une centaine de députés (à l'exception du RN et de l'Union des forces pour la République), ce texte de 78 articles a été déposé à l'Assemblée nationale. Il s'inspire des 140 recommandations formulées il y a un an par la « coalition féministe pour une loi intégrale » qui regroupe quelques dizaines d'organisations.

L’objectif ? « Refuser de laisser chaque gouvernement arriver avec sa formule magique pour les droits des femmes, avec des micro-ajustements ponctuels alors même que les besoins sont immenses, structurels, systémiques », a expliqué la députée socialiste. En dix mois, plus de 30 auditions (d'associations spécialisées, de syndicats, d'avocats, de magistrats, de professeurs de droit, d'institutions, d'acteurs de terrain) et une vingtaine de réunions de travail ont permis de consolider ces propositions.

Le constat est alarmant : entre 2017 et 2023, les faits enregistrés de violences sexuelles ont augmenté de 282 % sans que la réponse pénale ne progresse au même rythme.

Le travail, angle mort de la lutte contre les violences

Sur les 78 articles, huit concernent spécifiquement le droit du travail. « 9 % des viols ou tentatives de viol ont lieu sur le lieu de travail, 30 % des salariés ont déjà été harcelés ou agressés sexuellement sur le lieu de travail et 70 % des victimes ne veulent pas en faire part à leur employeur », détaille Myriam Lebkiri, secrétaire confédérale de la CGT, responsable de la commission égalité femmes-hommes.

Parmi les raisons invoquées, « les employeurs ne sont pas aidants, et même pour 40 % des victimes, ça s'est réglé en leur défaveur », ajoute-t-elle. « On a absolument besoin que la protection des victimes soit effective et qu'il y ait des sanctions prises à l'égard des employeurs qui ne remplissent pas leurs obligations ».

Négociation collective obligatoire

Le texte renforce les obligations de négociation collective en entreprise en y intégrant explicitement la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail. Cette thématique sera ajoutée aux négociations obligatoires portant sur l'égalité professionnelle entre femmes et hommes et sur la qualité de vie et les conditions de travail (article 39) prévues à l'article L. 2242-1 du code du travailA priori, il s'agirait donc d'une négociation obligatoire pour les entreprises d'au moins 50 salariés où est présente au moins une section syndicale.

But de cette négociation ? « Elle permettrait de mieux définir les besoins en formation, de mieux définir le rôle de chacun dans l'entreprise lorsqu'un fait de violence est déclaré dans l'entreprise, et négocier entre partenaires sociaux les moyens qu'une entreprise peut mettre à disposition des victimes pour les accompagner dans leur parcours après une agression », assure le député socialiste de Loire-Atlantique Karim Benbrahim.

La formation des salariés, managers ou non, à la prévention et au traitement des violences deviendrait également obligatoire. Ce thème devra être abordé lors de l'entretien de « parcours professionnel » prévu par le code du travail (article 40). Il s'agit, précise l'exposé des motifs de cet article, de « mieux informer les salariés, prévenir les violences et garantir que les employeurs prennent pleinement en compte leur responsabilité en la matière ». Le contenu et la périodicité de cette formation obligatoire seraient définis par décret (art. 40).

L'article 41 renforce le rôle du référent en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, en le rendant obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés (contre 250 salariés aujourd'hui). Il garantit à ce référent un droit à la formation continue, financée par l'employeur, et lui permet de s'absenter pour se former sans pénalisation. La proposition n'évoque pas l'articulation de ce référent avec celui désigné par le CSE. « Il faudra que nous nous penchions aussi sur l'amélioration des prérogatives du référent désigné par le CSE », nous a précisé Karim Benbrahim.

Un protocole-type de signalement

Le texte impose au ministère du travail d'établir un protocole-type de signalement et de traitement des violences sexistes et sexuelles en entreprise (article 43). Ce document devra être mis à disposition dans les six mois suivant la promulgation de la loi et fixera une procédure claire pour accompagner les victimes et les employeurs.

L’article 42 prévoit l’élaboration d’un document-type comportant les droits et numéros utiles, afin de protéger les travailleurs à domicile contre les violences sexistes et sexuelles commises par les employeurs.

L'article 44 étend les pouvoirs de l'inspection du travail pour mieux protéger les salariés à domicile, en particulier ceux qui résident chez leur employeur « particulièrement vulnérables », souligne Karim Benbrahim, en l’absence de « collègue, témoin et de hiérarchie ». Le texte autorise les inspecteurs du travail à intervenir et enquêter au domicile des particuliers-employeurs.

Une autorisation d'absence rémunérée

Sur le volet de l’accompagnement, la proposition de loi crée une autorisation d'absence rémunérée pour effectuer des démarches judiciaires, médicales, psychologiques, administratives, sociales ou professionnelles liées à des situations de violences sexistes et sexuelles (article 46).

« Le travail, lorsqu'il y a des violences conjugales, peut être un lieu où l'on aide les victimes à s'en sortir », estime Myriam Lebkiri qui alerte sur la réduction des subventions aux associations. « Or, elles sont primordiales », insiste-t-elle. La secrétaire confédérale de la CGT s'inquiète de « l'impact de la précarité économique des femmes et de l'austérité qui ne leur permet pas de fuir les violences ».

Quelle date d'examen ?

Les auteurs de cette proposition de loi se disent ouverts pour que le texte soit « enrichi et amélioré ». Quelle est cependant la probabilité pour que ce texte, qui embrasse toutes les sphères où s'exercent les violences justice, police, protection des enfants, santé, travail et lutte contre les cyberviolences – soit voté par le Parlement ?

Soit, explique la députée Céline Thiébault-Martinez, nous en faisons porter des parties lors des niches réservées aux groupes parlementaires mais pour l'heure aucune date n'est fixée soit, et cette solution a visiblement sa préférence, le gouvernement se saisit de la proposition de loi et la transforme en projet de loi, ce qui aurait l'avantage de permettre son inscription certaine à l'ordre du jour de l'Assemblée (voir notre brève du jour). « Engagez la discussion autour de vous, portez le débat », a conclu la députée socialiste. 

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Anne Bariet et Bernard Domergue
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Négociation obligatoire, formation obligatoire pour tous les salariés, référent harcèlement dès 50 salariés... Une proposition de loi, portée par la députée socialiste Céline Thiébault-Martinez et soutenue par une centaine de députés, prévoit de renforcer la prévention et la prise en charge des violences sexistes et sexuelles dans toutes leurs dimensions. Sur les 78 articles, huit concernent spécifiquement le monde du travail.
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